Indigo des Alpes : redonner des couleurs naturelles et locales à l’industrie textile

Relancer une filière locale de teinture végétale : c’est le pari audacieux lancé par Mediplant, avec le soutien de PhytoArk et de la Fondation The Ark. Grâce à la plante Isatis tinctoria, aussi connue sous le nom de Pastel des teinturiers, une poudre d’indigo 100% naturelle et traçable a vu le jour au terme de trois années de recherche et d’optimisation. Cette initiative s’inscrit dans un projet européen plus large — AlpTextyles — qui vise à réinventer la teinture textile à l’échelle alpine. Rencontre avec Audrey Kuhn, business developer chez Mediplant, au cœur de cette renaissance végétale.

Audrey, qu’est-ce qui vous a motivée à relancer une filière d’indigo naturel à partir d’Isatis tinctoria en Valais ? 

D’abord, par chance, il se trouve que le Pastel des teinturiers (Isatis tinctoria) est une espèce indigène au canton du Valais, qui s’épanouit quasi-exclusivement dans la Vallée du Rhône. Elle y pousse à l’état sauvage et à profusion. Alors autant la valoriser !
Ensuite on l’a sûrement oublié, mais le Valais fut un haut-lieu de production d’indigo. En effet, au début du XXe siècle, l’indigo synthétique fut largement produit à l’usine de Monthey, appartenant à la Société Chimique de Bâle. 

Aujourd’hui, il nous faut en revanche revenir aux pigments naturels, vu l’ampleur des dégâts environnementaux causés par les teintures d’origine synthétique.

C’est donc avec la volonté de mettre à l’honneur notre flore locale avec son caractère valaisan typique et d’en exploiter ses potentiels, que Mediplant s’est lancé dans une production écologique d’indigo naturel de grande qualité, par le biais de méthodes technologiques « vertes » et en garantissant la traçabilité de toute la chaîne de production.

Quelles ont été les grandes étapes du projet sur les trois dernières années, et les principaux apprentissages ?

La première année a été consacrée à la collecte de semences et aux essais de mise en culture, grâce à la précieuse collaboration avec Agroscope ; puis au développement de la méthode d’extraction à l’échelle laboratoire. 
Au cours de la deuxième année il a fallu mettre en place le procédé de production à l’échelle pilote et effectuer les analyses qualitatives entre les différents batchs d’indigo produits. 

Lors de la troisième année, nous avons pu optimiser les procédés sur une production « gros format » à partir d’une centaine de kilos de plantes fraîches. Nous avons largement élargi nos connaissances sur le rapport entre la plante, ses stades de croissance et ses propensions à fournir du pigment, ce qui nous a permis de fixer les paramètres essentiels au procédé d’extraction.

Comment avez-vous réussi à produire une poudre d’indigo stable, reproductible et de qualité à l’échelle pilote ? 

Grâce à la persévérance et à l’expertise de Mediplant en phytochimie et extraction végétale. Une fois les points clés du procédé pilote fixés, il est possible de produire une poudre d’indigo naturel de très bonne qualité tinctoriale, avec un bon rendement d’extraction à partir d’Isatis tinctoria. 

Puisque les techniques employées par Mediplant font appel uniquement à la chimie « verte », notre procédé d’extraction se distingue par son caractère écologique et respectueux de l’environnement. Il est essentiellement basé sur des paramètres naturels tels que température et eau, avec une gestion de la consommation énergétique.

Quelles sont les qualités spécifiques de l’indigo extrait en Valais par rapport à d’autres sources d’indigo (synthétique ou biotechnologique) ?

L’indigo des Alpes, made in Valais, est produit de façon 100% naturelle et respectueuse de l’environnement et de la société.  Il permet la valorisation d’une ressource naturelle locale et la création de toute une chaîne de valeur autour du pigment.

De plus des tests d’imprégnation de tissu, effectués par RedElec Technologies (Riddes), ont montré une intensité tinctoriale supérieure aux indigos synthétiques ou biotechnologiques, comme on peut le constater sur la photo ci-dessous.

I : Indigo des Alpes, W : indigo synthétique, H : indigo biotechnologique

Comment avez-vous assuré la traçabilité de la chaîne de production, de la graine au pigment ?

L’approvisionnement en graines ou en plantes fraîches a été effectué par Agroscope sur des sites recensés et répertoriés. C’est également à Agroscope qu’ont été confiés les tests de mise en culture qui ont suivis. Ensuite, toute la transformation de la matière première jusqu’à la poudre d’indigo est effectuée entièrement par Mediplant, sur le site du PhytoArk à Conthey.
 

Découvrez tout le processus en vidéo, de la récolte à la production.