Observer, expérimenter, innover : les plantes au cœur des transitions
Le 21 novembre dernier, le campus Energypolis à Sion a accueilli une nouvelle édition du colloque biennal de Mediplant, dédiée cette année aux impacts du changement climatique sur la filière des plantes aromatiques et médicinales (PAM). Chercheurs, entreprises, porteurs de projets et acteurs du territoire s’y sont retrouvés pour une journée dense et inspirante, placée sous le signe du dialogue, de l’expérimentation et de la recherche de solutions concrètes. Un moment intéressant pour faire émerger des pistes d’action face aux défis environnementaux qui bousculent nos modèles agricoles et industriels.
Les interventions ont couvert une grande variété de thématiques. Dès l'ouverture, Jean-Michel Florin, référence de l'agriculture biodynamique, a posé le cadre : l'agriculture moderne est à la fois victime et co-responsable du déséquilibre écologique. Il appelle à repenser l’organisme agricole comme un être vivant, autonome et résilient, capable de composer avec la nature plutôt que de la contraindre. Une diversité de cultures, des sols soignés, des partenariats entre végétaux, animaux et humains : voilà des leviers concrets d’adaptation.
Les exemples partagés dans la journée ont confirmé ce constat. L'entreprise Cérès Heilmittel, par exemple, adapte ses processus de fabrication de teintures mères selon les aléas climatiques, grâce à une gestion flexible, artisanale et territorialisée.
De son côté, Mibelle Biochemistry, active notamment dans le domaine de la cosmétique, a partagé ses travaux autour de mécanismes uniques observés chez certaines plantes (racines chevelues, micro-algues, mousse). Elle développe des technologies de culture en conditions contrôlées, permettant de reproduire ces mécanismes en laboratoire pour isoler des actifs naturels innovants. Cette approche permet de formuler des ingrédients cosmétiques sûrs, traçables et efficaces, tout en préservant les ressources végétales dans leur environnement naturel.
Nicolas Donzé, biologiste et toxicologue, a quant à lui proposé un regard transversal en replaçant l'activité humaine dans une échelle de temps planétaire : alors que les plantes colonisent la Terre depuis plus de 500 millions d’années, l’humain n’y joue qu’un rôle très récent. Un éclairage précieux pour aborder autrement la question des espèces dites invasives, souvent perçues comme nuisibles mais qui pourraient receler, selon lui, un potentiel actif encore largement inexploré par la recherche.
Du côté agricole, la présentation de Niels Rodin, fondateur de la Ferme aux Agrumes, a illustré des croisements variétaux adaptés aux régions froides, tels que le yuzu.
Dans un autre registre, le projet européen AlpTextyles, présenté par Cassiano Luminati, a mis en lumière le potentiel de reterritorialisation des filières textiles alpines. Mediplant y joue un rôle clé, notamment dans la production de pigments naturels. Cette initiative, qui réunit 12 partenaires issus de 6 pays, s’attaque à l’une des industries les plus polluantes en revalorisant les savoir-faire locaux, les ressources naturelles et une esthétique alpine porteuse de sens, pour construire une chaîne textile circulaire, régionale et équitable.
Un format vivant, propice aux rencontres
Au-delà des conférences, le colloque s’est distingué par la richesse de ses interactions : sessions de pitch, espace poster, tables de présentation de produits, moments de discussion informelle autour d'un café ou d'un buffet... autant d’occasions pour les participants de présenter leurs innovations, d’échanger autour de solutions concrètes ou de créer des liens porteurs. PhytoArk, acteur engagé pour le développement d’une économie d’innovation enracinée en Valais a eu le plaisir d’y participer, tout comme Phytosphere Swiss Lab, Phyto’Gen, installé sur le site de Conthey ainsi que Proseed et SEED, deux start-up accompagnées par la Fondation The Ark.
Penser ensemble les transitions de demain
Au fil de la journée, une conviction s’est imposée : les solutions aux défis climatiques ne viendront pas d’une seule voie, mais d’un maillage d’initiatives. Observer la nature, s’inspirer des plantes, miser sur l’expérimentation et les technologies, favoriser les circuits courts et la traçabilité : c’est en combinant ces approches que la filière PAM pourra se projeter dans un avenir durable.
Propos recueillis à Sion, le 21 novembre 2025